MASI, UNE METHODOLOGIE ET UNE PHILOSOPHIE UNIVERSELLES

Merci à Marc de me permettre au début de ce congrès de parler de la pensée de Masi telle qu’elle est vraiment, éliminant les incompréhensions, déformations, et qui pro quo et montrer Pourquoi Masi a choisi Aristote et Thomas d’Aquin pour penser l’homéopathie.

Car il s’agissait bien pour lui de se donner l’instrument le plus adéquat possible pour penser la réalité de l’homéopathie, comme une découverte scientifique d’un caractère très spécial.
En effet, ce que HAHNEMANN a découvert, ce n’est pas seulement un nouveau moyen de guérir les gens, une sorte de phytothérapie. Il est entré dans une nouvelle dimension de la science et de la réalité observée, qui choque encore plus de 200 ans après la communauté scientifique au point d’être rejetée sans examen, parce qu’il faudrait qu’elle accepte de perdre ses repères usuels et s’ouvre à un nouveau paradigme.
Ce pauvre Jacques Benvéniste a eu l’intuition de cette nouveauté, a voulu en prouver scientifiquement la réalité, et en est mort de chagrin d’être incompris, et Luc Montagnier reprend ses travaux en espérant conduire à l’évidence l’intuition de son ex-ancien ami.
Mais ce n’est pas seulement la mémoire de l’eau qui pose problème, c’est le fait même de la pathogénésie homéopathique, que Masi appelait un scanner de l’âme.

Il avait appelé son homéopathie «nouménale». L’homéopathie «nouménale» du Dr Masi n’est pas une autre homéopathie, elle est une relecture des écrits de Hahnemann, et des pathogénésies pour en comprendre tout le génie, et en tirer la pleine efficacité. Toute la pensée du Dr Masi est implicitement présente chez Hahnemann, mais il a fallu le regard du Dr Masi pour VOIR ce qui y était et que personne d’autre n’avait vu.
Le noumène, c’est la réalité profonde d’une chose, l’intelligible qui se cache derrière le phénomène accessible aux sens, l’essence d’une chose, d’une substance, ce que les scholastiques appelaient la forme. Le Dr Masi a voulu éveiller notre regard pour découvrir le noumène de chaque symptôme, le noumène de la substance devenue remède par la pathogénésie, le noumène de la personne qu’on soigne, c’est-à-dire son Âme.

Il va sans dire qu’un tel regard va intégrer dans l’observation du médecin la dimension spirituelle de l’homme.

Ceci est en plein accord avec Hahnemann qui disait : à quoi sert la guérison : à rendre à l’homme le bien-être dans ses sensations, la dignité dans ses actions, et l’orienter vers la réconciliation avec le Grand Esprit que tous les systèmes solaires adorent.

Alors beaucoup se posent la question : qu’est-ce que c’est que cette médecine qui mélange la religion et la science ?
Les médecins n’étaient pas habitués à considérer que ce qui est de l’ordre du spirituel puisse tomber sous leur observation clinique.
La philosophie allopathique se base sur le cartésianisme et a éliminé Dieu et l’esprit transcendant de l’homme de l’observation du phénomène humain. Ils ne disent pas : il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas d’âme, ils disent : la maladie est une affaire du corps, et l’esprit n’a rien à voir avec la matière.
Pourquoi ? Descartes ne croyait-il pas en l’existence de Dieu, comme tous les philosophes des lumières, au grand horloger, et à l’âme immatérielle de l’homme ? Bien sûr que si, mais à la façon de Platon : l’esprit de l’homme est dans le corps comme un parfum dans un vase, et n’a pas grand-chose à voir avec la matière du corps lequel n’a pas les moyens de le conduire à la connaissance. Pour Descartes, nos sens ne peuvent que nous dire ce qui est agréable ou désagréable, nocif ou bénéfique, mais ne peuvent pas conduire l’esprit immatériel à la connaissance. Pour Descartes comme Platon, la connaissance vient des idées innées que Dieu a mises dans l’homme, qui ne peut connaître le monde matériel que par les mathématiques, une pensée dégagée de la sensibilité du corps.
Platon, parmi les philosophes grecs, avait fait déjà un progrès : il affirmait la spiritualité de l’âme humaine, il la dégageait du sang, il la proclamait immatérielle.
Aristote, son disciple de génie a fait un pas de plus : en accueillant cette immatérialité de l’âme il a reconnu sa connexion avec le corps matériel et sensible, reconnu alors comme un instrument au service de la connaissance de l’esprit, et non plus un obstacle, l’esprit abstrayant l’intelligible à partir des données des sens, et de leurs prolongements que sont les instruments de mesure.

Aristote ne s’opposait pas à Platon, celui-ci avait fait faire un premier pas à la connaissance humaine, Aristote le respectait, et Platon venait avec plaisir écouter son disciple qui avait fait faire le pas suivant.

Cependant, Masi disait : l’homéopathie, ça doit être mathématique, Si vous avez la similitude au plus haut niveau (pour lui, la condition humaine refusée et son corollaire, l’attribut divin envié), vous avez la guérison. Ce n’est pas mathématique au sens cartésien du terme, mais il voulait dire que c’est démontrable, c’est-à-dire que la prescription agit en fonction d’une pensée en accord avec la réalité des choses et de leurs lois auxquelles la pensée qui les a découvertes se soumet. Masi voulait que la démarche intellectuelle qui a mené à l’hypothèse ne soit pas affaire d'opinion, mais acceptable par tous. C'est pourquoi nous travaillons en équipe et que nous nous laissons, tous autant que nous sommes, critiquer par les autres dans notre démarche méthodologique, à tous les pas de la construction de l’hypothèse. Si deux hypothèses sont présentées, et qu’elles sont trop éloignées pour s’intégrer dans une unique hypothèse finale, c’est qu’il y a une erreur quelque part, nous devons reprendre l’étude, pour voir exactement où se fait l'écartement des deux voies et pouvoir expliquer avec précision, où sont les erreurs et pourquoi on peut dire que ce sont des erreurs. Tout ce travail doit se faire à partir des symptômes du proving ou des malades vraiment psoriquement guéris, qui en disent beaucoup plus sur l’essence du remède que ce qu’on peut en tirer de la simple observation de sa substance.
L'étude de la substance, bien que parfaitement aristotélico-thomiste en soi, doit suivre et non précéder l'étude de la dynamique miasmatique. C'est parfaitement aristotélico-thomiste parce que toute nature a une structure qui dépend de « la forme » c’est-à-dire « cette essence qui informe la substance, et qu'il est important, pour être dans la vision philosophique thomiste, d’affirmer l'unité substantielle de la matière et de la forme de quelque être que ce soit.
On découvre d'abord la substance dans sa dynamique miasmatique, et ainsi on peut comprendre ce que sa "forme" ou essence veut dire, et ensuite étudier la substance au niveau matériel. Mais ça doit venir après l'hypothèse, car ce sont les symptômes qui donnent le sens de cette chose, sens qui va empêcher qu'on s'égare à l'infini dans les analogies.

Thomas d’Aquin, qui ne connaissait pas le grec, a découvert Aristote à travers des traductions faites par les arabes, qui n’étaient pas spécifiquement catholiques romains, que je sache, et l’a introduit dans la synthèse philosophique et théologique de sa somme théologique. Dans cette synthèse, il a intégré la pensée de tous les philosophes connus de son époque, grecs, arabes, et païens comme Aristote, surtout Aristote, qu’il a pris intégralement.

Aujourd’hui, le lien entre la théologie chrétienne et la philosophie d’Aristote paraît évident, mais cela ne l’était pas à l’époque, et il fallait le génie intellectuel, l’inspiration et l’audace de Thomas d’Aquin pour le voir.

Humberto Eco*, grand spécialiste athée de philosophie médiévale, écrit : « Dans l’architecture des œuvres de Saint Thomas, les chapitres principaux parlent de Dieu, des anges et de l’âme, des vertus, de la vie éternelle : mais à l’intérieur de ces chapitres tout trouve une place, plus que rationnelle, « raisonnable ». A l’intérieur de l’architecture théologique, on comprend pourquoi l’homme connaît les choses, pourquoi son corps est fait d’une certaine façon, pourquoi pour décider il doit examiner les faits et les opinions et résoudre les contradictions sans les occulter, mais au contraire en essayant de les composer en plein jour ».
C’est pourquoi, même le chapitre sur la Trinité est un enseignement sur l’homme pour nous homéopathes.
Et Humberto Eco continue : « (Thomas) laisse la liberté aux communautés de décider d’être monarchistes ou républicaines et distingue, par exemple, différents types et droits de propriétés, jusqu’à dire que le droit de propriété existe quant à la possession mais non quant à l’utilisation, à savoir : j’ai le droit de posséder un immeuble rue Tibaldi, mais s’il y a des gens qui vivent dans des baraquements, la raison exige que je leur en permette l’utilisation (je reste propriétaire de l’immeuble, mais les autres doivent y habiter même si mon égoïsme y répugne). Et ainsi de suite : toutes ces solutions sont fondées sur l’équilibre et sur cette vertu qu’il appelait « prudence », dont la « tâche » est de « conserver la mémoire des expériences acquises, d’avoir le sens exact des fins, la prompte attention face à la conjoncture, la recherche rationnelle et progressive, la prévision des contingences futures, la circonspection face aux occasions, la précaution devant les complexités et le discernement devant les conditions exceptionnelles »
« Il y parvient, poursuit Humberto Eco, parce que ce mystique, était aussi humainement attentif aux valeurs naturelles et respectait le discours rationnel. N’oublions pas qu’avant lui, quand on étudiait le texte d’un auteur ancien, le commentateur ou le copiste, devant quelque chose qui ne concordait pas avec la religion révélée, soit effaçait les phrases « erronées », soit les accompagnait d’un signe dubitatif pour mettre en garde le lecteur, soit le déplaçait dans la marge. Au contraire, que fait Thomas ? Il aligne les opinions divergentes, éclaircit le sens de chacune, met tout en question, même la donnée de la révélation, énumère les objections possibles, tente la médiation finale. Tout doit être fait en public, comme publique était la disputatio à son époque : entre alors en fonction le tribunal de la raison. » (Humberto Eco, Expresso, 1974)

Si l’Eglise catholique a accueilli cette synthèse philosophique de ce petit moine mendiant inconnu jusque là, cela montre qu’elle avait une grande ouverture d’esprit, et si on peut lui reprocher quelque chose, ce n’est sûrement pas ça ; c’est au contraire tout à son honneur, je pense que vous en conviendrez.

Humberto Eco conclut son article en disant « qu’il s’agit d’apprendre de lui ce qu’il faut faire pour penser avec honnêteté en homme de son temps ». Bel éloge pour un athée à un théologien.

Conrad Mariano, masiste brésilien, nous dit : la dynamique miasmatique, c’est parfaitement aristotélicien. En effet, Aristote (Ethique à Nicomaque, livre II § 2), comme Thomas d’Aquin après lui, parle de la vertu comme du juste milieu entre deux extrêmes qu’il appelle le vice. Il considère que l’âme humaine a 3 parties, la végétative à l’égal des plantes, la sensible à l’égal des animaux, qui agit selon l’instinct, la spirituelle enfin, qui grâce a la raison, agit librement pour que l’homme se porte, par l’amour et la volonté, vers une fin que sa raison a choisi, et par laquelle il accorde la partie sensible et ses passions à la partie spirituelle. Par exemple, il veut être beau, ou en bonne santé, et il décide de faire un régime. C’est possible pour l’homme, cela n’est pas possible pour l’animal. C’est encore plus vrai pour un but plus élevé.
Or Masi nous montre que l’attitude en santé est le juste milieu entre l’égolyse (je ne lutte plus, je m’abandonne douloureusement à ma déviation psorique) et l’égotrophie (je lutte pour nier ou masquer ma déviation psorique). Ce juste milieu, c’est : je reconnais lucidement ma déviation psorique et ainsi je peux la gérer correctement, rationnellement.

Donc Aristotélicienne et hahnemanienne, est la dynamique miasmatique de Masi, aristotélicienne et hahnemannienne, est l’affirmation du but transcendant de l’homme:
§ 9 de l’Organon : L’esprit doué de raison qui habite cet organisme (dans l’état de santé) peut ainsi se servir librement de cet instrument vivant et sain pour atteindre au but élevé de son existence.
Et Ethique à Nicomaque , livre X, § 7 : « Si le bonheur est une activité conforme à la vertu, il est naturel qu’il soit conforme à la plus haute vertu, et celle-ci sera la vertu de la partie la plus haute de nous-mêmes ». Et il montre que c’est la contemplation de l’Etre divin qui est la plus haute vertu. Je souligne qu’Aristote n’était pas un homme de croyance (à son époque, la croyance, c’était Zeus, Minerve, etc, ni un homme de foi au sens d’adhésion à une révélation divine, une parole divine, il ne connaissait sûrement pas la révélation faite à Moïse. Sa démarche était purement celle de la raison humaine.

Arisotélicienne et Hahnemanienne est aussi la manière d’observer la réalité des pathogénésies.

Masi était absolument persuadé que Hahnemann pensait en thomiste, et au-delà en aristotélicien, et par conséquent avait lu la somme de Thomas d’Aquin.

Sans doute Masi a été frappé par la ressemblance presque littérale des deux textes concernant la faiblesse de l’homme en comparaison des défenses de l’animal, l’un dans la somme théologique, l’autre dans un écrit mineur de Hahnemann, Esculape dans la Balance. Mais ça ne veut pas dire, à mon propre avis, que la somme théologique fût le livre de chevet de Hahnemann. Il avait un ami moine. Peut-être simplement, au cours d’une conversation entre eux concernant ses découvertes, cet ami lui a montré ce texte et quelques autres. Ce n’est pas nécessaire que Hahnemann ait lu tout Saint Thomas. Peut-être l’a-t-il lu, car c’était un surdoué d’une vaste culture, dont la curiosité intellectuelle dépassait les frontières de son église, puisqu’on voit qu’il connaissait Confucius. Mais en fait, ce n’était pas nécessaire qu’il l’ait lue en entier, et il ne l’a peut-être pas lu du tout : quand on étudie un peu les pathogénésies, d’une part, les symptômes des malades observés dans leur globalité d’autre part, on abandonne définitivement la position philosophique de Platon et Descartes, avec la conception d’une dualité esprit et corps qui seraient deux choses absolument distinctes, comme un parfum dans un vase, et l’on accepte tout naturellement les conceptions d’Aristote et Thomas d’Aquin, d’une unité substantielle indissociable du corps et de l’âme dans le composé humain tant qu’il est vivant. L’esprit connaît par le corps, et les erreurs de l’esprit contaminé par un imaginaire malade, se manifestent dans des anomalies du corps qui vont dans le même sens. Cette constatation quotidienne de l’homéopathe trouve son expression philosophique chez Aristote, repris par Thomas d’Aquin, et pas seulement chez les lecteurs catholiques romains de Thomas d’Aquin (bien peu nombreux d’ailleurs), puisque ce sont, comme je le disais tout à l’heure, les musulmans qui ont les premiers découvert et traduit Aristote, et que c’est dans leur traduction et non dans le texte grec que Thomas a eu connaissance d’Aristote. On dit que les grands esprits se rencontrent, Hahnemann et Thomas ont communié dans la même lumière intellectuelle à partir de l’observation de la réalité des choses. Et pour Hahnemann, sa réalité, celle qu’il découvrait en pionnier avec émerveillement, et qui nourrissait certainement sa réflexion philosophique, c’était ses pathogénésies. C’est aussi la notre.
Ce que nous pouvons dire, nous qui étudions l’homme en santé à la lumière de la somme de Thomas d’Aquin, pour mieux comprendre « ce qui doit être guéri » chez nos malades, selon les mots de Hahnemann, c’est que ces écrits représentent un outil intellectuel d’une grande largeur de vues et d’une extraordinaire précision, inépuisable de richesses intellectuelles et de connaissances psychologiques, même s’il peut arriver que certaines opinons désuètes liées à l’époque nous fassent sourire, elles sont liées au manque d’outils et jamais à une quelconque faiblesse intellectuelle. Et même si Hahnemann ne l'avait jamais lue.

Alors, Aristote, c’est une philosophie universelle. Mais Platon et Descartes, aussi, alors ? Oui, Platon et Descartes, ce sont des philosophies universelles aussi, mais elles ne rendent pas compte de la réalité que nous découvrons dans nos pathogénésies et chez nos malades.
Marcelo Gerstner, professeur de philosophie à Buenos Aires, dit : De tous les systèmes philosophiques, le plus proche de la réalité homéopathique est la philosophie aristotélico-thomiste.

Et l’attribut divin envié par l’homme qui refuse sa limite humaine, c’est aristotélicien ?
Non, c’est Hahnemannien, c’est dans les pathogénésies de Hahnemann (et les suivantes) qu’on le trouve.
Certains sont gênés que Masi construise tous les remèdes autour d’une faculté humaine refusée et d’un attribut divin envié indûment.
Mais C’EST dans les pathogénésies, les noyaux de la transgression, de la sensation de perte d’une faculté humaine, de la nostalgie pour l’état bienheureux avant de l’avoir perdue, de la peur du châtiment.
Pourquoi cela ennuie-t-il certains ? Parce que ça rejoint l’histoire du péché originel qu’on trouve dans la Bible ? Mais la Bible parle de l’humanité, de ce qu’elle a de meilleur et de ce qu’elle a de pire, on ne peut pas le nier, ni qu’elle contienne une sagesse, même si on n’adhère pas au message qu’elle veut transmettre. Est-ce que vous refusez la réalité de kyste hydatique parce que Moïse a interdit de manger du porc ?
Certains m’ont demandé naïvement : vous ne pouvez soigner que des croyants ? Au contraire, les croyants, c’est plus difficiles, parce qu’ils font gaffe à ne pas avoir l’air de se prendre pour Dieu, tandis que les autres étalent sans complexe leur aspiration à remplacer Dieu, leur remède est donc plus facile à trouver. Heureusement, pour tous, nous avons les rêves et les réflexions de l’entourage qui nous montrent comment le malade projette dans le milieu sa problématique métaphysique inconsciente.

Il est intéressant de remarquer que les disciples de Hahnemann avaient été, pour la plupart,.étudiants en théologie. Ils étaient attirés par ce maître qui découvrait objectivement quelque chose qui éclairait le mythe fondateur du message biblique le plus difficile à comprendre.

Le simple fait d’accueillir toute la nouveauté contenue dans les pathogénésies, c’est déjà une manière aristotélicienne et thomiste de regarder la réalité des choses.
C'est-à-dire qu’on n’a pas des idées innées toutes faites des choses, idées que Dieu a mises et que nous n’avons qu’à vérifier par les mathématiques, mais on se laisse modifier par une réalité nouvelle qu’on n’avait pas préalablement dans la tête : le contenu étonnant des pathogénésies..

Hahnemann lui-même a été étonné de trouver dans ses pathogénésies, les symptômes de faute, de nostalgie d’un état bienheureux, de peur du châtiment, et de justification, que Masi a si bien mis en lumière. Il l’a exprimé, puisque Hering dit que les ennemis de Hahnemann se moquaient de lui parce qu’il croyait avoir trouvé dans son homéopathie la preuve de la religion chrétienne.
Preuve de quoi ? Certainement pas de la rédemption ni de la résurrection, mais évidemment, du péché originel.
Cependant Masi a toujours dit qu’il n’était pas nécessaire pour faire son homéopathie de croire à l’historicité du péché originel, mais d’accepter cette réalité que les pathogénénésies nous en parlent, et par conséquent que ce drame existe dans l’inconscient humain, aussi bien des athées que des croyants quelque soit leur famille spirituelle.

Les pathogénésies font affleurer à la conscience de l’expérimentateur, quelque chose qui est « latent » (psore latente de Hahnemann), une trace d’un drame où l’homme en voulant se faire Dieu a perdu sa propre perfection humaine. Si ça rend plus facile l’accès au message biblique, tant mieux pour ceux que cette histoire empêchait de s’ouvrir au reste, mais ça reste vrai sans le message biblique.

Ainsi nous acceptons de constater que l’homme a voulu dépasser sa limite humaine, et fonctionner comme s’il était Dieu, d’ailleurs on le voit quotidiennement dans le comportement du monde. Il y a ceux qui ont assez d’énergie pour prouver à l’entourage qu’ils sont dieu (égotrophie), et ceux qui ne cessent de pleurer leur « complexe d’infériorité ». Infériorité par rapport à quoi ? Pourquoi ne s’acceptent-ils pas tels qu’ils sont ? ils ne réussissent pas à être dieu. (psore et égolyse). Ainsi me disait avec humour une patiente (pourtant athée) sortie de sa dépression après Carcinosinum : « qu’est-ce que je me sens bien depuis que je n’ai plus envie d’être Dieu ».
Mais pourquoi faire de cet attribut divin envié la clé pour expliquer l'origine de la maladie de l'homme ? Mais parce que c’est cette erreur de perspective qui entraîne tous ses déséquilibres, psychiques, physiques, et relationnels.
Masi disait : « un homme qui veut étudier le drame de l’homme sans découvrir la dimension métaphysique de ce drame, c’est un naïf. » Ils nous a suffisamment démontré combien les symptômes divers d’une pathogénésie ou d’un malade sont signifiants d’un conflit métaphysique, à partir duquel seulement on peut comprendre sous une forme unitaire la multiplicité des informations que nous trouvons dans la pathogénésie ».

Et qu’est-ce qui nous persuade de ça, nous, masistes ? Un attachement affectif au maître ? Bien sûr qu’on aime un maître qui a nourri notre intelligence, heureusement. Mais qu’est-ce qui nous a persuadé qu’il était dans le vrai, et que son enseignement était une bonne nourriture pour notre compréhension du fait homéopathique et pour notre pratique quotidienne ? Ce sont nos études des remèdes, qui nous montrent la cohérence de tous les symptômes autour d’une faculté humaine refusée et son corollaire, l’attribut divin envié.

Alors vous allez me dire : d’accord, nous comprenons que le masisme, ce n’est pas fait seulement pour les peuples de culture chrétienne, même si le catholicisme a fait sienne la philosophie aristotélicienne à travers Thomas d’Aquin. Mais ce n’est que pour les peuples de culture grecque.
Comprenez que les grands penseurs grecs ont cherché à comprendre le monde selon la raison universelle.
Je peux en tout cas vous dire que j’ai fait des consultations à Cotonou en milieu Vaudou, et au nord Bénin en milieu musulman, on retrouve les mêmes sensations de perte d’une faculté humaine et le même désir de vivre cette perfection humaine à la manière absolue de Dieu. Bien sûr, pas à la manière de Dieu tel qu’Il se révèle dans les Evangiles, qui chamboulent tout, mais à la manière de Dieu tel que l’homme peut le concevoir avec sa raison et le jalouser pour ses perfections achevées, infinies, absolues. Mais il faut comprendre que Masi restait dans le rationnel, le philosophique, et non le théologique ou le mystique. S’il utilisait des symboles chrétiens, il en faisait autant de ceux des bambaras, des dogons, ou des chinois, car il pensait que chaque symbole d’une culture voulait exprimer quelque chose qui concernait l’humanité toute entière. Il nous corrigeait quand les pieuses personnes parmi nous faisaient de la construction de l’hypothèse une sorte de catéchisme.

Certains reprochent à Masi de n’avoir rien écrit. Excusez moi, j’ai moi-même traduit ses écrits, il y en a 4 tomes que vous pouvez commander à l’AFADH.

Ses hypothèses, non, il ne les a pas écrites, nous les avons écrites sous sa dictée, et il nous a appris la méthodologie pour étudier tous les autres remèdes.

En plus, puisqu’il était thomiste, rappelons nous que Thomas d’Aquin dit que le maître le plus grand n’est pas celui qui écrit des choses fixées, mais celui qui forme l’intelligence de ses disciples pour qu’ils fassent fructifier son enseignement de plus en plus, et au delà de ce que lui-même pouvait même imaginer. C’est la « maïeutique ». Masi était très conscient qu’il était un maître en maïeutique.

L’homéopathie en est à ses débuts. Masi, Sankaran, Sholten, ouvrent un grand champ de découvertes, ils ont chacun leur rôle, ils ne s’opposent pas.

Si je choisis un autre conifère que Thuya sur la notion de fragilité, à partir des découvertes de Sankaran, cela n’enlève rien à la dynamique miasmatique de mon malade sur la fragilité.

Si je choisis Aurum ou Tungsten sur la notion de pouvoir dans la 6ème ligne du tableau de Mendeleiev, cela n’enlève rien au noyau psorique de l’un et de l’autre : Aurum n’a pas le lieu idéal pour exercer son pouvoir, et Tungsten veut être impassible pour exercer son pouvoir.
Et pourquoi Tungsten veut-il être impassible ? Si nous ne faisons pas l’étude méthodologique de la pathogénésie, nous ne pouvons pas le comprendre. Il ne veut pas avoir besoin d’un Dieu protecteur, il vit ça comme indigne de lui.

Cyclamen et les primulacées auraient la sensation profonde de ne pas pourvoir bouger, nous enseigne Sankaran.
On voit en effet dans Cyclamen, des sensations de mouvement à l’intérieur de lui-même, du cerveau, des intestins, du cœur, en opposition avec une aversion pour le mouvement extérieur, qui aggrave beaucoup de symptômes, (en améliore d’autres) une grand faiblesse du corps, il lui en coûte de remuer même un seul membre, et une propension à s’isoler, s’enfermer chez soi.
Peut-être que ceci a été confirmé par Sankaran chez toutes les primulacées. Je veux bien lui faire confiance.
Mais cela ne nous explique pas pourquoi cette aversion au mouvement extérieur, et cette sensation de mouvement intérieur.
Or Masi nous l’explique :
« Pour Cyclamen, tout est en référence avec son intérieur, pas avec le monde. Il semble n’être qu’en regardant son intérieur seulement.
Son erreur est de chercher la béatitude en lui-même. Pas dans la contemplation de Dieu. Et de ce que Dieu a créé d’autre que lui.
C’est curieux que la fleur de Cyclamen soit dirigée vers le bas : elle regarde en elle-même !
L’erreur de Cyclamen est de regarder son essence ; son être, et rien d’autre. »
Je vous donne un cas de chacun de ces deux remèdes pour lesquels je n’aurais jamais trouvé la clef sans l’hypothèse construite selon la méthodologie de Masi.

*Titulaire de la chaire de Sémiotique et directeur de l'École supérieure des Sciences humaines à l'Université de Bologne, auteur de « Le nom de la rose ».

Auteur: Dr Simonne Fayeton, membre de l'Association Française pour l’Approfondissement de la Doctrine Homéopathique (AFADH).
Presenté au 21ème. Congrés International du Centre Liégeois d'Homéopathie (CLH), Sol Cress - Spa, 18-21 mars 2009.

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