Mais pour l'Espagne, le dix-neuvième siècle est un siècle de décadence où les luttes sociales et politiques se suivent, contribuant à la perte des derniers restes de son Empire colonial en Amérique. Le peuple, dépourvu d'instruction, et de sentiment patriotique, monarchiste, traditionnel et catholique. Un évident desequilibre entre la révolution de ce siècle et la réalité sociale en Espagne. Le romanticisme fut, au sens strict, un style littéraire et artistique, mais aussi un ensemble d'attitudes et d'images grandement répandues. C'est pour cela que l'Espagne, avec le rétard et le pittoresque, ses brigands et son folklore, son caciquisme et ses soulévements militaires, fut considérée par beaucoup d'européens comme un pays essentiellement romantique.
Pendant ces années le développement économique fut très faible et une grande partie de la population resta à l'écart de la modernisation.
A la suite de l'influence du Centre de l'Europe, qui est à ce moment-là le centre de la culture et la science, l'homéopathie arrive en Espagne. La première nouvelle apparait dans le Journal General des Sciences Medicales, en 1827.
C'est à travers Cádiz, la ville placée le plus au Sud de l'Espagne, gràce à son emplacement privilegié pour le commerce - spécialement pour le commerce maritime -, que l'homéopathie est introduite. Cette ville était devenue la plus ouverte aux nouvelles idées et, en même temps, le passage vers le Nouveau Monde.
Ce fut un riche commerçant de cette ville, M. Fernando Iriarte, affligé d'une maladie, qui ayant entendu parler de cette nouvelle science n'hésita pas à partir pour Koethen dans le but d'être traité par le docteur Hahnemann en personne. Intéressé par l'homéopathie il acheté de nombreux livres qu'il distribué à ses amis, une fois retourné en Espagne.
La première traduction de l'Organon en espagnol appartient au docteur Prudencio Querol, médecin de Badajoz, qui peut être consideré comme le précurseur des homéopathes espagnols.
Autre personnage remarquable le docteur Rino y Hurtado qui fut le premier à publier une revue d'homéopathie, Les archives de la médecine homéopathique.
En 1829, à l'occasion du mariage de Marie-Christine de Bourbon, fille du roi de Naples, François I, avec le roi d'Espagne Ferdinand VII, le docteur Cosme Horatis, médecin de la Cour de Naples qui pratiquait déjà l'homéopathie, arrive en Espagne avec le cortège. Là, il fait la connaissance d'autres médecins qui se rallient à son enthousiasme pour l'homéopathie.
II faut aussi faire ressortir l'influence décisive de la France à travers les Ecoles de Paris, Lyon, Montpellier et Bordeaux, représentées par les docteurs Des Guidi, León Simón, Rapou, Petroz, Jahr, Crosiero, Mûre, Dessait, Chaza, Perrusel..., les précurseurs de l'homéopathie en France.
Plusieurs médecins espagnols se trouvaient exilés en France à cause de leurs idees libérales. Ils y étudient l'homéopathie. Parmi eux, les docteurs Núñez, López Pinciano, Larios, etc.
C'est aussi en 1832, qu'en Espagne l'homéopathie se construit sur des bases fermes pour sa théorie et sa pratique. Elle est déjà exercée par beaucoup de médecins. A cette époque-là le docteur Hahnemann voyage à Paris et s'y installe jusqu'à sa mort en 1843. En 1835, âgé de 80 ans, il épouse Mélanie d'Hervilly.
C'est avec Isabelle II, fille de Ferdinand VII et Marie-Christine - qui régna en Espagne vers le milieu du XIXe siècle - que l'homéopathie connaît son plus grand éssor et que commence la période la plus importante de l'homéopathie en Espagne.
Dans les six décades comprises entre 1835 et 1900 des livres sont traduits, des sociétés, des dispensaires et des hópitaux sont creés, des revues sont éditées.
Gràce à la protection de cette reine, on bâtit l'Hôpital San José de Madrid. A la fin de son regné (1868), elle s'exile alors à Paris, oû gràce à son appui économique on construit l'Hôpital Saint-Jacques.
La personnalité la plus remarquable est celle du docteur José Núñez qui en provenance de Bordeaux arrive à Madrid en 1845, oû il s'installe après son exil en France.
Il fonde la premiére société homéopathique d'Espagne: La Société Hahnemannienne Matritense, et c'est à lui que l'on doit la pathogénésie d'un grand rémede homéopathique: la taréntule espagnole.
II fut médecin de l'Aristocratie et de la reine Isabelle II en personne, qui lui accorda le titre de Marquis.
Napoleón III le décora aussi de la Legion d'Honneur. Et c'est à lui également qu'on doit la création du premier hôpital homéopathique, l'Hôpital San José de Madrid en 1878, dans lequel réposent ses restes.
Autre précurseur, le docteur Joaquín Hysern, professeur à l'Université de Madrid et médecin de chambre de la reine Isabelle II. En 1840, il part pour Paris. Il y vécut pendant deux ans et fonda l'Institut homéopathique espagnol.
Mais les dissidences sur différents points de méthode marquent dès le debut deux tendances dans l'homéopathie espagnole, provocant une instabilité qui dura plus d'un siècle et qui continue encore aujourd'hui. Celui qui l'exprima le mieux fut le docteur Anastasio García López dans un congrés à Paris en 1889 avec ees mots: «On connait peu de pays oû l'homéopathie ait trouvée pour sa propagation autant de résistance qu'en Espagne, et les obstacles ne sont que ceux entramés par les luttes internes aux homéopathes, qui servent aux allopathes pour avoir plus de raisons de la combatre, ce qui provoque de rudes discussions entrainant la division des associations qui se rejoignent pour se desunir à nouveau.»
Les controverses firent beaucoup de bruit pendant ce temps-là dans les Universités de Madrid, Valladolid, Barcelone... Les Drs Rino y Hurtado, Sebastián Coll et Joaquín Hysern parmi d'autres, participèrent à ces disputes face aux professeurs de l'Université.
Le docteur Anastasio Garcia López fut condamné par l'Eglise à cause d'un de ses livres, ce à quoi il répondit: «Comme democrate et républicain, je ne peux pas m'empécher de sympathiser et de me ranger à tout cela qui en mène équivaut aux grandes idées symbolisées. L'homéopathie est en train de lutter contre les décisions injustes de la médecine officielle, contre la dictature et l'autocratie de l'école allopathique.»
Les revues medicales de cette époque-là se faisaient l'écho de ces disputes acadèmiques entre homéopathes et allopathes, et d'une façon bien imagée montraient et ridiculisaient une telle conduite.
Du côté pharmacéutique, beaucoup vendaient des médicaments homéopathiques. Certains médecins faisaient même leurs propres médicaments, provoquant ainsi de violentes confrontations.
Les pharmacies de « Grau Sala » à Barcelonne, « Somolinos » à Madrid et « Rubiales » à Badajoz, parmi d'autres, sont trés renommées. En 1878, par ordre royal, le premier hôpital homéopathique est creé à Madrid, l'Hôpital San José qui resta prospère en tant qu'hôpital et comme institut d'enseignement jusqu'en 1930. En 1903 on fit quelques 14.000 consultations.
L'influence de l'homéopathie en Catalogne a été décisive et digne de mention.
La personnalité la plus remarcable de l'homéopathie catalane a été, peût-étre, celle du docteur Juan Sanllehy, président fondateur et fondateur de l'Académie médico homéopathique de Barcelonne en 1890. En 1901 l'hôpital homéopathique de l'Enfant-Dieu fut creé à Barcelonne.
À la fin du XIXe. siècle, il y avait environ 600 médecins homéopathes qui exergaient en Espagne. L'homéopathie était déjà bien enracinée. En 1924 le premier Congrés International d'Homéopathie eut lieu à Barcelonne oû les homéopathes les plus réputés du monde furent présents. En 1933, il y en eût un autre à Madrid.
En pleine République le docteur Torres Olivero fut nommé directeur de l'Hôpital San José de Madrid par le gouvernement de ce moment-là, et il fut chargé d'organiser et de rendre officiel l'enseignement de l'homéopathie en Espagne. Cela ne dura pas longtemps. Les espagnols s'affrontèrent à nouveau dans la guerre civile de 1936. Et jusqu'en 1975, période de la dictature, l'enseignement et la pratique de l'homéopathie sont interdites.
Livres et revues dont on pouvait disposer auparavant, étaient devenus impossibles à trouver.
II convient aussi de souligner l'influence que l'Espagne eût en Amérique latine. Il est juste qu'il soit reconnu par tous les homéopathes du monde la notable importance que l'Espagne a eû quant au développement et à l'expansion de l'homéopathie à Cuba, au Mexique, en Colombie, au Venezuela, au Chili...
C'est ainsi qu'il fut le premier pays au monde à reconnaître officiellement l'homéopathie. Ces vingt dernières années ont vu une Espagne démocratique avec une Monarchie parlamentaire.
Il existe aujourd'hui une vraie reconnaissance de cette médecine, de nombreuses sociétés d'homéopathie dans tout le pays, des cours dans certaines écoles et universités et elle est exercée par environ 1.500 homéopathes.
Depuis le 28 novembre 1994, et la publication du Décret Royal 2208/1994, les produits homéopathiques fabriqués industriellement ont obtenu le statut de médicament, par application, en Espagne, de la Directive Européenne 92/73/CEE. Il s'agit bien d'une reconnaissance officielle de l'homéopathie, dont le développement s'est fortement accéléré durant ces 15 dernières années, avec l'implantation de nombreux laboratoires spécialisés.
Malgré les divergences, toujours présentes, entre la médecine allopathique et homéopathique, celle-ci à sa propre histoire.
A tous ceux qui ont fait que ce soit possible, notre gratitude et hommage les plus sincères.
Que les générations suivantes n'oublient pas ceux qui ont rendu possible le fait que de nos jours, deux siècles aprés, on continué à parler d'homéopathie en Espagne: les docteurs Querol, Rino y Hurtado, Núñez, Hysern, Girela, García López, Vélez, Carrera, Folch, Marios, Romero, Sanllehy, Pellicer, Peiró, Cruxent, Pio Hernández...
Auteur: Dr. Alfredo García D. Ansorena.
Fuente: Procan XXI
Révision et corrections: Dr. Isidre Lara.
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